Mort d’une drag-queen, Hervé Claude
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Pour ce dernier exemplaire de Genres avant l’été, après une année riche en actualités plus grises les unes que les autres et sûrement riche en activité professionnelle pour vous (c’est tout le mal qu’on vous souhaite !), il apparaissait de bon ton de penser aux prochaines vacances (si vous en avez et c’est tout le mal qu’on vous souhaite !) et de tester un roman policier, à savourer bien évidemment sur une plage en plein soleil.
Car il semble bien que le roman policier reste le genre de roman le plus prisé pendant les vacances estivales, délicatement posé sur le coin de la serviette, à côté du Têtu du mois ou de tout autre magazine présentant le meilleur moyen de rester digne en maillot de bain.
Je me suis donc embarqué pour l’Australie, en plein été - c’est-à-dire la veille de Noël - avec un détective improvisé en la personne de Ashe, enquêtant sur la mort de Charlene, drag-queen retrouvée tuée sur une plage de Perth, en Australie-Occidentale. Ashe est un jeune quinquagénaire homosexuel, rentier oisif, profitant de sa richesse pour vivre la moitié de l’année en Australie, loin de sa France natale. Il y fréquente les clubs gays autant que les clubs de golf. Un ancien amant, l’inspecteur Ange, lui demande son aide pour enquêter officieusement sur ce meurtre étrange.
On est séduit par le personnage de Ashe, humble et solitaire poète et serviteur de la Justice, ami loyal et fidèle d’un policier playboy un peu sec et expéditif, macho à l’italienne. On est happé par le voyage qui nous entraîne dans divers paysages de Perth à Sydney, Adelaïde et Kare Kare, diverses ambiances, des bars gay aux plages naturistes, fermes reculées ou terrains de golf soignés. On écrase sous la chaleur et la beauté puissante de ce pays dont on sent que l’auteur le connaît très bien pour y vivre lui-même une bonne partie de l’année. On se laisse guider et prendre au suspense, d’autres meurtres arrivant, mêlant intrigues au sein de la police et d’autres au sein du milieu du rugby.
On regrette quelques clichés peut-être sur le milieu gay. Mais ces clichés existent et font partie de notre monde. Et dans une Australie homophobe et conservatrice, il est naturel que certains traits aient été accentués afin de revendiquer une existence libre et méritée, phénomène commun à toutes les sociétés opprimées, à travers le monde. La drag-queen est l’exemple parfait du cliché gay tel que l’ « hétérosexuel moyen » pourrait le concevoir. Comme l’écrit justement Hervé Claude, les drag-queens « dérangent plus qu’on ne le croit […] Mais elles ont une fonction sociale. Et de temps en temps, elles payent pour leur audace. Le fou du roi a toujours raison et de temps en temps il est puni. Elles étaient juste les folles du royaume enchanté. »
On regrette la fin de l’histoire, qui arrive un peu vite et comme un cheveu sur la soupe. On reste sur sa faim. Mais une soupe, c’est comme une salade, parfait pour garder la ligne. Et que ce soit entre deux parties de pêche à la ligne ou de chasse à l’ours, il est bon de bronzer avec un roman qui se lit facilement et vous tient en haleine… fraîche !
A retrouver à la bibliothèque J. Le Bitoux du Centre
Vincent Cheikh